Replongeons nous dans l’atmosphère de la vie musicale d’Eisenach. Nous sommes à la fin des années 1670. Un dimanche après-midi, après avoir joué les offices dans leurs églises respectives, les deux cousins Johann Ambrosius Bach et Johann Christoph Bach se sont attablés dans une brasserie ; une bonne pinte de bière sur la table, une belle pipe en écume à la main. Un moment de détente, des calambours, des rires et l’évocation du futur mariage de Johann Christoph. Il y aura-t-il de la musique à ce mariage ? Oui évidemment.
A l’église aucun doute, il y aura au moins un cantate. Justement ce dimanche matin c’était une cantate dont le texte est inspiré du Cantique des Cantiques qui avait été jouée . Le texte sensuel et parfois érotique les amuse et de chope en chope, de pipe en pipe, l’idée d’une cantate profane destinée aux festivités qui suivent l’office se met en place. C’est Christoph qui en écrira la musique et Ambrosius qui assurera la confection du texte et de tous les commentaires d’une mise en scène de l’oeuvre.
Si l’on ne sait comment cette cantate fut jouée, la partition nous est restée avec toutes les énigmes qu’elle contient. La sublime chaconne dans laquelle la bien-aimée clame son amour tandis que le violon (au dire d’Ambrosius) symbolise les rêves (les souhaits) qu’elle imagine est une page sensuelle et forte, à l’image de l’amour qui est fait de tendresse et de force : en quelque sorte une scène d’amour. Les deux autres parties appartiennent plus au théâtre : une introduction en dialogue qui évoque la rencontre secrète des amants.
Quand au finale, il n’est autre qu’une invitation à la fête, au banquet, aux boissons… Mais comment évoquer ces fêtes ? On peut difficilement imaginer une interprétation figée sur ce seul texte. Pour les musiciens de Clematis, ce fut l’occasion de tenter de se mettre dans cet esprit : au milieu du repas, on décroche les violons, on repousse les tables et on se partage les partitions, posées là où l’on trouve de la place (un coin de table, une chaise…) et la fête commence « Esset und trinket »… Mais voilà, le vin a déjà bien coulé et un tempo aviné s’installe… Le tout, évidemment, en ne cessant de remercier Dieu qui leur a offert ce cadeau de la vie !
Dans son enfance, Johann Sebastian Bach a dû entendre parler de ces fêtes, de ces cantates festives (dont d’ailleurs on sait qu’il connaissait les partitions). C’est certainement dans cet esprit qu’il a imaginé, Dieu sait dans quelles circonstances, cet incroyable Quodlibet, une oeuvre qui semble tellement étrange parmi ses composition ; son texte est un salmigondis de phrases, de mots ou d’idées incohérentes qui sont aussi proches du grivois que du trivial. Mais si l’on regarde attentivement la façon dont Bach écrit ses cantates profanes (et même certaines cantates sacrées) ce sens du théâtre et de la fête, il le possède parfaitement.
Certains détails de sa biographie nous apprennent d’ailleurs qu’il ne refusait pas un bon verre de vin ! La cantate BWV 196 fut écrite par J.S. Bach pour le mariage d’un pasteur…
Distribution:
Mariana Flores: soprano
Stéphanie de Failly: violine I*